L’entomophagie en Occident : perspectives de recherche
En occident, manger des insectes comestibles s’inscrit dans une perspective d’alimentation saine et durable visant à satisfaire la demande alimentaire croissante tout en préservant l’environnement. Il s’agit d’accompagner les transitions nutritionnelles liées aux changements globaux en cours. Cela implique une évolution des comportements et passe par une meilleure connaissance des déterminants sociaux, culturels, psychologiques et sensoriels des préférences et pratiques alimentaires. Cette recherche propose de les étudier afin d’identifier des pistes d’innovations pour les entreprises agro-alimentaires qui souhaitent délivrer des aliments aux qualités sanitaires, sensorielles, nutritionnelles et fonctionnelles, et des stratégies vis-à-vis des politiques publiques et des réglementations pour accompagner ces évolutions de modes de consommation.
L’entomophagie (fait de manger des insectes) est une pratique répandue en Afrique, Asie, malgré un déclin lié à une occidentalisation des régimes alimentaires (van Huis et al., 2013). En occident, elle a été progressivement abandonnée au profit de l’élevage de bétail pour des questions culturelles (Much, 2012). Les insectes sont pourtant une alternative saine pour les populations des pays développés et une solution contre la faim pour les populations sous-nutries ; pour cela, sa consommation est soutenue par la Food and Agriculture Organization (FAO) (van Huis et al., 2013). Même si le fait de manger des insectes tend à croître dans le monde occidental, cette consommation reste marginale et expérientielle car ils y sont mentalement catégorisés comme « culturellement non comestibles » (Fischler, 1990) ; ils cristallisent les trois motifs de refus alimentaires identifiés par les sociologues, à savoir le danger, l’aversion et le dégoût (Rozin et al., 2008). L’enjeu majeur est alors de familiariser les consommateurs aux insectes pour réduire les aversions liées au goût, et modifier les représentations mentales pour les rendre « culturellement comestibles » (Corbeau et Poulain, 2002), en réduisant le danger perçu et le dégoût. Ces trois freins font écho aux trois types d’ambivalences dans la relation entre l’homme et son alimentation : santé-maladie, plaisir-déplaisir, vie-mort (Beardsworth, 1995). Les stratégies de régulation associées pourraient favoriser l’acceptation des insectes, à savoir l’acquisition de connaissances par la communication et l’éducation, la familiarisation par exposition et association à des marqueurs gustatifs et aliments connus, la consommation sarcophage des insectes. Le regain d’intérêt des chercheurs pour les insectes comme source d’alimentation est récent (van Huis, 2013) mais les travaux restent appliqués aux secteurs médicaux et agricoles (Looy et al., 2014). Peu d’études traitent des perceptions et dimensions marketing de cette consommation, et aucune aux mécanismes psychologiques qui freinent la consommation humaine d’insectes (Gallen, 2005 ; Looy et al., 2014). Les chercheurs s’accordent sur le fait que les fondements de ce rejet doivent être étudiés, qu’il faut tenter de le surmonter, et que les consommateurs les plus susceptibles de les ingérer doivent être identifiés et ciblés (van Huis, 2013). L’objectif de cette recherche interculturelle est d’analyser les représentations mentales de l’entomophagie, les types d’insectes les moins rejetés, les formes de présentation acceptables, les groupes favorables à cette consommation, ainsi que les informations et actions pouvant favoriser leur consommation afin de proposer des pistes d’innovation aux entreprises et aux pouvoirs publics.
Projet ANR CRI-KEE | Consommation et représentations des insectes – État des connaissances sur leur comestibilité en Europe